Fredo, HP, Bruno, Hugues, Philippe et Karl s'étaient fixés comme objectif longue distance cette année le triathlon d'Embrun. Malheureusement Philippe n'a pas pu défendre ses chances à cause d'une épaule récalcitrante. Voici les résultats

Dans la suite, un aperçu de la course de nos 5 Cestadais vu à travers le récit de Karl :

 

 

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Embrun, un nom familier pour moi depuis très longtemps, non pas parce que j’ai passé ma jeunesse près de la mer, mais parce que, il  a 30 ans le triathlon s’est insinué dans ma tête en assistant à une course en bas de chez moi. J’ai d’abord admiré Embrun dans les livres, inaccessible, puis j’ai rencontré des personnes qui  m’ont raconté leurs participations, puis c’est devenu progressivement un objectif personnel le jour où j’ai passé la porte d’un club de triathlon, il y a 15 ans environ. Embrun, ce redoutable monument du triathlon à la force d’attraction supérieure à la raison, est devenu une réalité pour moi ce 15 août 2015.

Je me sentais prêt à affronter la bête depuis quelques années. En effet, depuis 2008 et l’Ironman de Nice, j’ai pu vivre quelques expériences sur ce format ainsi que sur les trails ultra distances.  Mais l’opportunité d’y participer ne s’est présentée que cette année en formalisant ce projet avec 5 amis de mon club de Cestas.

Après un marathon au printemps, un peu de vélo et de natation de mai à juillet avec quelques week-end d’entrainement communs bien sympathiques chez Philippe, me voilà dans le noir à 6h du matin avec mes amis face au lac d’Embrun (une enclave du lac de Serre-Ponçon) au départ de l’Embrunman 2015… je pense avoir fait l’entrainement minimum pour être capable de finir cette course, mais le moins qu’on puisse dire est que ma confiance n’est pas à son zénith. Je suis content de partager ce moment avec mes 4 acolytes  et j’ai une pensée pour Philippe, qui a dû malheureusement déclarer forfait pour une blessure  à l’épaule.

Les visages  de tous les concurrents sont fermés face à l’ampleur de la tâche qui nous attend.

 

Au top départ, on se lance dans la pénombre, comme on se lance dans le vide. Ça bouillonne, ça bouscule, on cherche de l’air, on ne sait pas où on va. Enfin une bouée, un coup de pied, une claque…une 2ème bouée, ça commence à se décanter. La cohue est maintenant dissipée, il est temps de bien placer sa nage pour économiser le maximum d’énergie. Le jour se lève au 2ème tour, le moral avec. Après 1h24 dans le milieu aquatique et environ 4km à ma montre, me voici de retour sur la terre ferme. Bruno et HP ont déjà quitté le parc à vélo (1h10 pour Bruno, 1h12 pour HP), voici Fredo qui arrive quand je me change (1h25). Je n’aperçois pas encore Hugues qui n’est pourtant pas loin derrière. (J’apprendrai après coup que Hugues, au moment de partir à vélo a été embêté par un arbitre zélé qui ne voulait pas admettre que la jugulaire de son casque était bien fermée. Il ne fallait pas moins à un Hugues de bonne foi mais  à fleur de peau pour s’emporter et se faire disqualifier. Il roulera quand même quelques 80 km avant de se faire arrêter sur la route par un arbitre à moto…)

Me voici maintenant sur mon vélo. La pente s’élève tout de suite et on attaque un col de 14km. Le paysage est joli malgré un temps un peu grisâtre. On m’avait dit que c’était un col pas difficile  mais j’ai pour l’instant la sensation de « grosse cuisses ». J’ai déjà quasiment le plus petit développement alors que le plus dur reste à venir…j’évite de paniquer en me disant que c’est transitoire (ça arrive parfois après la natation) et je continue à progresser dans la montée à un rythme très modéré. Fredo me dépasse à ce moment-là. Après la descente, ça va mieux. Peu de plat sur ce parcours, la route reste vallonnée jusqu’au pied du col de l’Izoard au km80. Se dresse maintenant un sommet à 2360m d’altitude (km100 environ en haut)…je fais une montée assez laborieuse, mais je me motive en sachant que je vais me ravitailler en haut. Malheureusement, le vent, la pluie et le froid se sont invités  (il doit faire 4°C au col). Je vais à l’essentiel et je me dépêche d’avaler un sandwich que j’avais préparé. Je n’ai en plus qu’une ½ heure d’avance sur la limite horaire (ça ne rigole pas, avec les délais…).

Je plonge dans la descente. Mon petit coupe-vent ne suffit pas pour parer le froid. Je claque des dents, je suis frigorifié. Tout mon corps est hypertendu et je perds de l’énergie à lutter contre l’hypothermie.

Enfin, la vallée  arrive avec une température clémente. Je me réchauffe progressivement. Les jambes tournent bien maintenant, j’avale les dernières difficultés et je finis de bonne manière le parcours de 187km en 9h00 pas trop loin de ce que j’avais prévu. (Fredo 8h37, Bruno 8h18, HP 7h58)

Au parc, je prends quelques minutes pour me ravitailler car je sais que le marathon va être long. Le 10ème du classement est en train d’en terminer… Bien que les jambes soient lourdes, je pars assez confiant à 9/10 km/h en me disant que  ma foulée va revenir. Malheureusement, mon énergie va décliner inexorablement avec un estomac qui ne veut pas jouer son rôle…Juste avant de finir péniblement le 1er tour en 2h30, je croise Fredo avec une belle allure qui me dit avoir eu les mêmes soucis d’estomac mais ça a l’air d’aller mieux maintenant (il a 8km d’avance). Très dur mentalement de repartir pour un 2ème tour… Je croise  maintenant Bruno les traits tirés qui en termine (marathon 4h11, temps final 13h51). Il n’a pas du tout aimé le froid à l’Izoard et a été gêné par un mal de dos qui s’est réveillé. Il a dépassé HP sur la fin du marathon. Le voici d’ailleurs  qui apparaît quelques minutes après. Je croise un HP au bout du rouleau (marathon 4h29, temps final 13h58). Une grande accolade plein d’émotion pour l’encourager à finir ses 4 derniers km et je continue. Il me reste quant à moi 17km… Je ne recroiserai pas Fredo qui s’est bien refait la cerise sur le 2ème tour (marathon 4h36, temps final 14h55). J’alterne marche et càpieds. Je commence à m’inquiéter de la vitesse moyenne que je dois soutenir pour finir avant 22h30 (heure limite d’arrivée). Ce n’est pas gagné à ce moment-là…ce délai va occuper mon esprit jusqu’à la fin. Je retrouve un semblant de foulée dans les 7 dernier kilomètres. La nuit est maintenant tombée. J’entends se rapprocher la voix du speaker hurlant les noms des concurrents qui passent la ligne. Un dernier calcul. Je sais maintenant que je vais y arriver. Les spectateurs sont encore là  nombreux pour nous féliciter et nous encourager jusqu’à la fin. Une haie d’honneur est même organisée sur les 200 derniers mètres. Je ne peux contrôler un sourire qui me monte jusqu’aux oreilles. Mes yeux sont humides, mes bras montent au ciel. Ça y est j’ai passé la ligne (marathon 5h32, temps final 16h13). On me met une médaille autour du cou. Je suis content comme un enfant qui reçoit un jouet dont il a tant rêvé. Je peux enfin m’assoir dans une sorte de fauteuil au stand du ravitaillement final, une bière salvatrice à la main. Je suis détendu, je suis serein, je suis comblé.

Je tiens à dire un grand merci  à nos supportrices pour avoir été présentes tout au long de la journée au bord de la route. Cela fait chaud au cœur. Ce soutien est pour moi la meilleure des récompenses.

Merci à tous ceux qui ont suivi la course à distance et ont témoigné de leurs encouragements. On a senti vos ondes positives !

 

L’après course n’est jamais facile, surtout quand on a réalisé un rêve d’il y a 30 ans. Il vaut mieux tout de suite s’en fixer un autre. Ah ben, j’ai déjà trouvé…la diagonale du fou à la Réunion le 22 octobre prochain. Un rêve d’il y a 18 ans celui-là. Bon c’est vrai, je l’ai déjà réalisé il y a 7 ans, mais je n’y crois pas encore. Il faut donc que je m’en convaincs une nouvelle fois….

Taïaut, taïaut !"

Commentaires  

#1 Frédéric Goumard 03-09-2015 12:00
Quel superbe récit Karl, tu es un grand champion mon ami !
Je poste donc aussi mon CR  …Après avoir eu vraiment le sentiment de faire le tour de la question en bouclant l'Altriman l'an dernier, je me suis finalement rembarqué cette année avec plaisir et entre amis pour cette belle et exigeante epreuve par laquelle j'avais commencé le triathlon long (oui bon je sais, je suis un peu bargeot....) en 2011
Un joli week-end fin juillet sur la très difficile cyclosportive de la Pierre Jacques en Baretous (voir CR sur le site du club aussi) est venu cloturer quelques mois que certains qualifient de préparation... pour moi plein de choses faites sans plan, ni ligne directrice et selon mes envies (mais quand même 20km de nat, 3000km de velo et 1600km à pied en 2015)
On est donc parti et nous sommes arrivés seulement la veille ma compagne audrey et moi, timing un peu à l'arrache, 10 cm de flotte dans le parking, et météo annoncée bien humide pour le lendemain, heureusement l'ambiance est excellente dans le groupe et nous partageons l'emplacement de camping pour la tente avec le van de Bruno et Marie Helene...
Le repas d'avant course est généreux et bon enfant. Seuls HP et Hugues semblent un peu tendus... on joue à ce moment au jeu des prédictions et j'avais annoncé un temps canon de 14h30 soit 1h10 de moins que ma première participation en 2011... sur la théorie, Bruno en tête, talonné par HP, moi et Karl un poil plus loin, Hugues rentrant dans les barrières.
Pour le jour J, c'est different et même si nous avons tous une pensée pour philippe qui a du renoncé pour blessure, j'ai bien l'impression que moi et bruno sommes les seuls sereins, les autres sont tendus comme des strings... Il fait nuit noire et le départ des femmes est donné. On avance dans le sas de depart et je souhaite une bonne course à tout le groupe en choisissant de partir dans les tous derniers, je pense boucler en 1h40 la nat, soit sortir dans les 30 derniers de l'eau. La corne retentit et la meute de presque 1300 triathlètes s'engouffre avec fracas dans l'eau, je marche tranquillement.
Nous ne sommes plus qu'une poignée sur les graviers, l'eau est à mes chevilles et je prends le temps de regarder ma montre immobile en laissant les derniers se battre pour rentrer dans l'eau. Je regarde devant et autour de moi, une petite voix de fille derrière moi m'hurle "faut y aller monsieur", je me retourne et souris. Oui il est temps, je suis le dernier sur la plage et savoure cet instant. J'entre dans l'eau encore secouée de remous et commence par un peu de brasse histoire d'échauffer les muscles, puis je passe en crawl et j'ai l'agréable sensation de pouvoir allonger sans que celà me coute, j'alterne la brasse et le crawl mais toujours en doublant et sans baston... les sensations sont bien meilleures que mes attentes. Le soleil se lève sur la fin du premier tour et je profite de la vue sur les portions en brasse, je suis content d'être là et continue toujours régulièrement à doubler sans effort. Je sors de l'eau pour 4.2km au GPS en 1h25, je suis ravi et trottine tranquillement dans le parc. Karl est en train de se changer. Je perds 2 bonnes minutes à aller faire la grosse commission et me change intégralement (natation en slip puisque ma trifonction est cassée). Une transition de 6min tout compris et me voila parti pour un joli morceau de parcours velo de 187km et 5000m de D+ annoncés.
Je mouline tranquille dans le premier cool et prend le temps d'avaler un gel, ça monte bien et je rattrape rapidement karl qui semble parti sur un rythme trés econome. je suis généralement sur le 34*25 ou le 34*23 (je ne mets le 34*28 que pour une rampe à environ 15%). Première descente et les pompiers sont présents a plusieurs endroits pour ramasser les chutes (au moins 3, dont une avec le gars parti dans le ravin), la route est encore mouillée... prudence, prudence. Longue route bosselée jusqu'au parc du Queyras, paysages superbes, je suis en dedans, je veux garder du jus.
Puis ascension hors categorie de l'Izoard, je continue très prudent, je sais que le velo ne se joue pas là. Comme prévu, les premiers concurrents victimes de crampes dans Brunissard sur le premier km à plus de 10%, puis 7-8km entre 8 et 9% se montent au train sur le 34*28 jusqu’au col. Le ciel se charge de plus en plus, la pluie est normalement annoncée à partir de 16-17h, mais a environ 1km du col dans le paysage lunaire de case déserte, l'averse froide me tombe sur la gueule... j'arrive au col et pose le pied à terre pour la première fois (les autres ravitos, c'etait bananes et eau pris à la volée) pour manger un peu plus et enfiler mon coupe vent... je grommelle que la descente va être dangereuse. 45 minutes d'avance sur la barrière horaire, j'ai un peu de marge, ça gère bien. Je bascule et la pluie glacée (surement pas plus de 5°C au col à presque 2400m) me tétanise les mains alors que le reste du haut de corps est pas trop mal protégé... je freine beaucoup, la route est detrempée et mes doigts commencent a avoir du mal à serrer les freins en se tetanisant... j'attrape un coup de bambou terrible dans cette descente avec un inexplicable sommeil qui me tombe dessus, j'ai les yeux qui se ferment tous seuls sous ses trombes d'eau, c'est pourtant vraiment pas le moment... La descente se passe et toujours manquant de lucidité je peste en râlant comme un putois contre l'état de la route en traversant briançon, un vrai champ de mines... La pluie diminue. Je me rechauffe et peu à peu l’envie de dormir me passe et je commence à mettre des watts, souvent sur la grosse plaque même sur des faux plats montants. Je commence a prendre de l’aisance sur les trajectoires et augmente la cadence. La cote de Pallon est là avec ses 2kms à 12-13% que j’avais monté très durement en 2011 en slalomant toute la largeur de la route… là j’ai les jambes et je monte tout droit et assis… je continue a doubler cycliste après cycliste. Vers le km 150, une pause pipi s’impose et j’en profite sur un ravito ou je m’arrete completement, descend du velo m’etire et mange plus copieusement (je n’aurais utilisé qu’un seul gel sur les trois emmenés) en rigolant avec les benevoles. Je repars toujours assez frais et souvent grosse plaque malgré le vent de face qui s’est un peu levé (mais beaucoup moins fort qu’en 2011). Me voila au panneau Embrun après avoir chaleureusement retrouvé nos supportrices (katia a 2 reprises sur le parcours velo, mais audrey et marie helene seulement à l’entrée d’Embrun). Je m’applique à mouliner sur le 34*28 dans la dernière difficulté du jour et la montée à Chalvet qui avait été une lente agonie en 2011 et que je trouve presque facile cette année en doublant de nombreux concurrents en detresse dans cette montée… hop derniere descente prudente et me voila à la ligne avec un coup d’œil à la montre, je finis mon velo en 8h37 (j’avais annoncé 8h30 la veille). Au final j’ai repris 235 places sur le velo.
Je decline le massage et trottine dans le parc. Je sens que j’ai de bonnes jambes encore assez fraiches. Je me change entierement et prend le temps d’un pipi et d’avaler un second gel de la journée… 6 minutes de transition encore.
Je reflechis et estime que HP et Bruno doivent être environ 20 à 30 minutes devant moi. J’essaye de calculer. Je ne m’estime pas capable d’aller chercher Bruno qui va surement faire un marathon autour de 4h. Par contre, je me dit qu’une petite defaillance d’HP me permettrait d’aller le chercher si je sors un gros marathon… je prends donc le risque de jouer et de partir vite. Je me cale à 11km/h et prevois de marcher la montée au village, ce qui me donnerait un marathon entre 3h50 et 4h (j’avais annoncé 4h10 la veille) si ça coure pareil jusqu’au bout et autour de 4h si ça ralentit un peu sur la fin (le plus vraisemblable)… Je suis bien, mange un peu et boit beaucoup. Passage au km 10.5 (quart de course) en 58min. Le tempo est bon et je double pas mal. Retour sur la digue en croisant juste Bruno avant la jonction qui m’apprend que HP est juste devant lui… hum, 8km d’avance soit 40min, je ne les rattraperai pas sauf enorme defaillance de l’un d’eux. Ils ont fait une meilleure nat ou velo que prevu. Tant mieux pour eux, je suis donc seul dans ma course, toujours avec de bonnes sensations et sur le même rythme. Vers le 18° km, un ravito passe un peu moins bien, je ralentis un poil 1 ou 2 km et reprends à nouveau l’allure. Passage au km 21 en 2h. Ravito km 23, le drame… comme à Salou, vidange gastrique, je bois et vomis dans la foulée… crotte, j’ai joué et j’ai perdu… je marche environ 2 kms en revomissant 2 fois mais que de l’eau puisque je n’ai pas mangé trop. Du coup je peux recourir après cette pause à une allure de 10km/h environ et croise karl à ce moment là qui marche doucement avec un visage blanc. Il me dit qu’il est pas bien et je l’encourage en lui disant que je viens de vomir … Je sens quand même que c’est très fragile et choisit de faire les montées en marchant pour offrir des pauses à l’estomac. Ça revient progressivement même si je perds du temps. Je recours normalement vers le km 28-29 et finis en recourant partout à 10km/h pour boucler finalement le marathon en 4h36 soit un temps final de 14h55. Les supportrices sont là et HP aussi, je suis content et file pour une bière amplement méritée à l’arrivée avec un cornet de frites.
Un grand bravo donc aux 3 autres cestadais finishers, une pensée encore pour Philippe à qui cette course plaira sans nul doute. Je suis navré de la disqualificatio n de Hugues (même quand il n’est pas respectable, l’arbitre doit être respecté)… Quelle belle aventure entre copains, il me tarde déjà la prochaine, ha ben tiens c’est la même que Karl en Octobre :-D

Album photos des supportrices à suivre bientôt (avec la pluie, j'en ai pas pris sur la course cette fois-ci)