2 Membres du club (Jacky et Fredo) se sont élancés (avec Brigitte la compagne de Jacky) sur cette grande aventure il y a 2 semaines... un long CR pour une longue aventure à lire ci dessous

 

Pour une fois, l’exercice de compte rendu est une obligation pour pouvoir homologuer la course. J’aime relater ce genre de choses et j’ai déjà au compteur des dizaines de récits de mes aventures en course à pied, en vélo, en randonnée, en alpinisme…. C’est donc fort logiquement que Jacky et Brigitte me demandent de rédiger le récit obligatoire et me font pleine confiance. Mon CR est donc générique pour être à la fois publié à l’amicale des Diagonalistes et ici

 

Tout d’abord une diagonale c’est quoi ?

La définition : c’est une randonnée cycliste consistant à relier 2 points non consécutifs de l’hexagone, soit un total de 9 possibilités différentes entre les villes de Menton, Dunkerque, Hendaye, Strasbourg, Brest et Perpignan (et 18 possibilités en y ajoutant la contrainte qu’il y a 2 sens de parcours). Ensuite, vient l’esprit des diagonales. Sans entrer dans les détails (un règlement et plus d’infos sont disponibles au lien suivant : http://diagonales.homelinux.net/adf/), on peut retenir l’importance de la longue distance et la notion d’autonomie (c’est-à-dire sans assistance i.e. pas de véhicule suiveur). En résumé, les journées sont longues. Mais on peut s’arrêter manger au restau, dormir à l’hôtel, et on doit transporter toutes nos affaires avec nous. De plus, chaque parcours a un temps limite en fonction de la distance minimale et du dénivelé (88h pour la diagonale qui nous intéresse).

Ensuite pourquoi une diagonale ?

Depuis que j’ai commencé le sport à 29 ans, j’ai été attiré par l’endurance et la diversité des expériences sportives. Avec un certain succès et un mental bien solide : expéditions alpinisme avec des copains, des triathlons format Ironman (en montagne parce que les parcours plats, ça m’ennuie), des courses à pieds (de 100km route à 330km en haute montagne en non stop…).

J’ai aussi gouté en tirant une remorque à vélo à la rando bivouac itinérante (Le ventoux-Bordeaux en solitaire en 5 jours l’an dernier par exemple). Bref, ce genre d’aventure m’attire malgré mon relatif jeune âge. J’ai commencé ce genre de conneries il y a 5 ans (à 30 ans seulement) et force est de constater vu l’âge moyen des participants que ce sont des sports de vieux !

De plus, l’inconfort ça me connaît : je ne compte pas les fois où j’ai dormi dehors à l’arrache en forêt ou en montagne.

Et puis, il y a une rencontre en 2011 (je crois), un jour au club de triathlon de Cestas est venu Jacky Delbary, un papi éminemment sympathique (plus de 60 ans), un caractère trempé, un côté aventureux et dur au mal. Nous nous sommes estimés naturellement, le partage a été évident et nous nous sommes lancés sur quelques découvertes et escapades communes (raid multisports, triathlon longue distance, marathons, …).

Il m’a parlé de ses aventures. Notamment, Paris Brest Paris, qu’il a fini 3 fois (course cycliste de 1200km à boucler en 90h maxi) et des fameuses 17 diagonales qu’il a réussies sur les 18 possibles (la dernière remontant à 2000).

L’esprit me plaît tout de suite et je lui propose donc naturellement qu’on aille faire ensemble sa 18°. J’aime explorer l’inconnu. C’était il y a 3 ans.

Prologue

La diagonale ne peut se faire sur les 2 premières années pour des raisons de la vie malgré une tentative d’organisation dès la première année…

Nous en parlons plusieurs fois et puis, cette année, Jacky a rencontré Brigitte Legrand, Diagonaliste célèbre apparemment. Une des rares femmes qui a fini (juste l’an dernier) les 18 diagonales.  Elle a de plus le caractère suffisamment trempé pour s’être lancée à plusieurs reprises en solitaire… Bref, un sacré bout de femme qui reparle aussi à Jacky de retourner faire Paris-Brest-Paris et de finir sa 18° diagonale  tous les 3.

Banzaï ! Malgré un programme sportif très chargé que je me suis prévu sur l’année, on cale fin 2014 l’aventure pour fin mai 2015. Nous reprendrons le parcours effectué par Brigitte en 2010 avec 3 autres femmes. Pas de préparation spécifique, je m’entraîne surtout à pied les week-ends et continue d’utiliser mon VTT par tous les temps en moyen de transport quotidien (entre 25 et 50 km quotidiens en semaine en ville avec un sac sur le dos pesant entre 7-8 kg  avec ordi, matériel de réparation, affaires de rechange, affaires de sport, …). Brigitte et Jacky font leur brevet randonneur 200km en avril dans le Nord. Je dois faire celui de Périgueux (celui du Haillan près de Bordeaux une semaine avant étant à la même date que le marathon de Bordeaux où je participe). Ainsi on ne se retrouve que lors du brevet de 300km du Haillan début mai où on fait tout le parcours ensemble. C’est la première fois qu’on roule tous les trois. Ça roule tranquille et régulier même si je les attends un peu en haut des bosses. Affaire bouclée en 14h45. Tous les voyants sont au vert… rendez-vous confirmé pour le grand départ le samedi 23 mai.

Samedi 23 mai… veille de vrai départ

Comme à mon habitude, mon sac à dos se prépare dans les toutes dernières heures avant le départ. Je pars léger, environ 5-6kg sur le dos, autonomie alimentaire pour 3 jours (hors repas du soir) avec 12 sandwichs emballés et 3-4 gels énergétiques en cas de gros coup d’hypo, 1 tee-shirt, 1 slip et un short pour le soir (pas de chaussures), quelques médocs, brosse à dent + dentifrice, un petit morceau de savon pour frotter le cuissard le soir et un peu de matos de réparation. Plus sur moi un cuissard court (que j’utilise par tous les temps même en plein hiver) et une veste vélo manche courte.  J’enfourche le vélo de chez moi pour rejoindre le domicile de Jacky (à 4-5 km) où l’on se retrouve tous les 3. Nous relions encore avec 4-5 autres km à vélo la gare de Bordeaux pour le départ en train vers Hendaye. Je dors pratiquement toute la première heure de trajet car j’ai très peu dormi la semaine précédente, puis la fin du voyage s’effectue avec une gentille bande de punks qui nous paye le coup J. Arrivée à Hendaye, repérage du commissariat (enfin une antenne de la PAF maintenant à 500m de la gare), puis on file à l’hôtel Santiago, encore 500m plus loin, visiblement habitué à recevoir les diagonalistes. D’ailleurs, nous commençons en arrivant à discuter avec un couple qui vient d’arriver de Dunkerque en vélo dans l’autre sens et affiche tout sourire une diagonale bouclée avec météo parfaite et un fort vent dans le dos tout le long… presque une balade de santé. Un bon petit repas arrosé de vin local et on file se coucher pour une courte nuit de maximum 4h de sommeil.

Dimanche 24 mai… le grand jour !

On a prévu un départ à 4h tous les matins, le réveil est donc mis à 3h pour Jacky et Brigitte et 3h30 pour moi (je suis réveillé mais je reste plus longtemps au lit, j’aime pas être prêt en avance). Avec l’excitation, j’ai souvent été tenu éveillé. Un petit déjeuner et on enfourche les montures vers 3h50. Le temps que le fonctionnaire arrive, il est déjà 4h05. Il nous demande « bon, je vous mets quelle heure ? » « ben 4h05 puisque c’est l’heure qu’il est :-) ».

Nous voilà partis tous les 3 dans la nuit noire. Jacky et Brigitte ont de véritables phares avec prise directe dans le moyeu, moi j’ai une lampe LED portative avec une batterie rechargeable achetée 20 euros sur internet que j’utilise toute l’année pour aller travailler (autonomie environ 7-8h, mais j’ai quand même pris le chargeur). La première côte au niveau d’Urrugne est assez longue dans la nuit noire et je ne suis pas rassuré dans la longue descente avec mon éclairage un peu sommaire… mais Brigitte non plus puisque sa lampe lâche purement et simplement dans cette descente… Jacky nous distance et on descend tranquille avec Brigitte dans ma roue. Puis la route est une véritable tôle ondulée éclairée tout le long par les habitations jusqu’à Bayonne. On croise quelques fêtards sortant de boîte de nuit, plus ou moins frais. C’est rigolo de les interpeller. Le jour se lève vers 5h30. A Bayonne, nous attendent 2 amis Diagonalistes de Jacky et Brigitte qui partagent avec nous la traversée de Bayonne et la dépose de la carte postale de départ. Une des règles des diagonales veut de définir nous même le parcours, nous même les pointages (tous les 100km en gros), le premier et le dernier pointages sont une carte postale à poster dans la ville, les autres sont l’obtention d’un tampon d’un établissement de la ville (et s’il est finalement impossible d’obtenir un cachet, il faut prendre une photo du panneau du village). Le couple qui nous a rejoint est très surpris que j’ai un sac à dos et pas des sacoches de selle ou à vélo (mais bon, tous les Diagonalistes qu’on croisera me feront la même remarque et moi, j’ai toujours un sac sur le dos et pas l’envie d’investir dans ce genre d’équipement).

Bon, on remonte donc vers le nord, un très léger vent de face nous accompagne mais le parcours est maintenant plat et tout roule jusqu’au milieu des Landes avec juste quelques rapides pauses pour soulager nos vessies… Ah les landes ! ses interminables lignes droites bordées de forêt ou de champs… punaise mais qu’est-ce que c’est chiant ! Pour paraphraser Robert Lamoureux « ça faisait 20km qu’on traversait le maïs, on était sur le point d’attaquer la luzerne ».

Bref, premier pointage au tampon à Labouheyre dans les Landes au km 138 à 10h25. Une petite bière de récup et on repart. Nous sommes bien en avance sur le timing (plus d’une heure), Brigitte dit qu’on va même peut-être un peu trop vite par rapport aux 20km/h de roulage prévus. Un peu plus loin, nous sommes rejoint par le SARiste du coin  (expression du monde des diagonalistes) et son épouse. Un SARiste, c’est un membre du Service d’Accompagnement Routier, en gros des gens qui viennent à la rencontre des diagonalistes sur leur parcours pour partager un peu de roulage ou de caler un pique-nique ensemble (ce sera le second cas pour nous). Nous faisons halte pour partager notre repas avec eux (ne me demandez pas leur nom, je n’ai retenu aucun nom de toutes les personnes croisées). C’est très sympa et on repart gonflé d’énergie avec le bonus du café chaud offert J.

Les kilomètres défilent et j’ai un ami Laurent qui doit venir à notre rencontre depuis Libourne. Il fait très peu de vélo, c’est plus un coureur de 100km à peine plus âgé que moi. Ça me fait très plaisir qu’il nous rejoigne peu après Créon. Nous allons ensemble au pointage suivant à Libourne au km 248 à 17h22 pour une autre petite bière chaleureusement partagée tout en avalant un autre sandwich.

Nous repartons à 3 le cœur léger en nous disant que cette journée se passe vraiment très bien, la météo est bonne, les jambes déroulent tranquillement, nous avons 1h30 d’avance sur le planning. C’est là que tout bascule…

Au niveau des Billaux, une piste cyclable sur la chaussée est séparée de la route par intermittence avec des ilots directionnels pas très visibles et la piste est en mauvais état. Nous ne nous suivons pas de très près. Jacky reste sur la route et en voyant le premier ilot, j’oblique vers l’extérieur pour prendre la piste. Brigitte ne voit pas l’obstacle au sol et chute lourdement une vingtaine de mètres derrière moi.

Au bruit, je me retourne et freine. Je crie à Jacky de s’arrêter. Je descends de vélo et cours vers Brigitte qui reste semi-assise en se tenant le bras. Une voiture s’arrête et une femme en jaillit en même temps que j’arrive à la hauteur de Brigitte. Ses seuls mots sont « le poignet ». Mon regard se porte sur son poignet et constate qu’il fait 90° avec le reste du bras qu’un bout d’os dépasse. Du sang suinte à grosses gouttes au niveau de la plaie… La dame commence à poser les questions de secourisme pour faire un bilan, son compagnon donne l’alerte aux pompiers. Je m’affaire à nettoyer la plaie avec du PQ sorti de mon sac, ça cesse de saigner. Jacky arrive, il est effondré comme je ne l’ai encore jamais vu. Brigitte est lucide, n’a pas perdu connaissance et ne se plaint même pas alors qu’elle doit souffrir beaucoup. Les pompiers arrivent et prennent Brigitte en charge. Elle nous demande à plusieurs reprises « je veux que vous continuiez pour moi ». On ne sait pas quoi faire et je dis à Jacky « moi, je te suis et je n’aurai pas d’état d’âme que l’on arrête ou continue ». Les pompiers évacuent Brigitte sur l’hôpital de Libourne et ne prennent pas le vélo. Le couple qui s’est arrêté nous propose extrêmement gentiment de nous le garder quelques jours. Tout cela m’a paru durer un temps infini et n’a pourtant pris qu’une heure. J’appelle Audrey qui va pouvoir s’occuper de récupérer le vélo. Nous ne sommes d’aucune utilité à rester et sur les injonctions de Brigitte, nous reprenons la route le moral dans les chaussettes.

Nous pédalons sans rien nous dire, seuls avec nos pensées sombres. Un moment, alors que l’on arrive pour un court passage en Dordogne, Jacky pourtant peu enclin à  s’exprimer sur ses sentiments me lâche : « J’ai pas le moral, on va faire demi-tour demain ». Je lui réponds : « Si tu veux faire demi-tour, on fera demi-tour ensemble. Une chose à la fois, on arrive et on prend des nouvelles de Brigitte à l’hôpital ».

Le cœur n’y est pas et en arrivant proche de la tombée de la nuit en Charente maritime où notre hébergement en chambre d’hôte nous attend au village de La Genetouze, nous nous perdons. Nous sommes obligés d’appeler la chambre d’hôte et un gentil paysan du coin nous remettra sur le bon chemin avec un bon 5-6km de trop. Arrivés fourbus après une journée mesurée à la montre GPS 298km et 1654m de D+ pour 16h57 de trajet et 13h02 à pédaler.

Nos hôtes sont très accueillants. L’hôpital ne répond pas. On se douche et on mange. Jacky répète plusieurs fois, comme pour se convaincre lui-même, qu’on fait demi-tour demain…. A force d’acharnement Audrey réussit à avoir Brigitte au téléphone. Sa fracture est réduite et une opération programmée le lendemain pour poser des broches. Elle ne souffre plus. Laurent  réussit à passer la voir à l’hôpital et elle nous appelle en suivant. Elle rebooste Jacky à repartir et nous prendrons donc, comme prévu, le petit déjeuner à 3h30 le lendemain (la maîtresse de maison se lève même pour nous…). Il est déjà plus de 23h quand nous nous couchons.

Lundi 25 mai… le début des choses sérieuses

Réveil 3h, je reste au lit jusqu’à 3h20 et potasse un peu les cartes papier que nous a laissées Brigitte. J’ai dû dormir 3h. Le corps et le cœur sont fatigués. On enfourche à 4h et on attaque dans la nuit noire les montagnes russes charentaises. Le jour se lève sur des paysages fantasmagoriques avec des nappages de brume. Régulièrement en grimpant, on sort du brouillard entourés d’une mer de nuages parsemée d’îles de verdure…. Les couleurs sont superbes et les montées bien casses pattes.

On avance petit à petit et on arrive au premier pointage vers le km 50… c’est la loose ! Le village d’Hiersac est parcouru de long en large, pas un seul commerce ouvert en ce lundi de Pentecôte à 8h15. On se résout à prendre en photo le panneau de sortie de ville et à aller étancher notre envie de café plus loin. Un peu plus tard à Mansle, nous faisons une pause salvatrice vers le km 80 en avalant un sandwich en plus du café.

Les paysages sont bucoliques, jolis et bien bosselés. Vers 10h, pour corser la chose, un vent modéré (environ 15-20km/h) se lève de ¾ face, nous ralentit sensiblement et commence son travail de sape. Nous restons à peu près dans le planning prévu.

Pointage à Civray vers le km 125 à 11h24 avec une petite bière de récup et un sandwich. La navigation se fait facilement avec la feuille de route. Il faut rarement sortir les cartes.

A saint Julien l’Ars, un couple de diagonalistes nous rejoint pour nous accompagner une trentaine de kilomètres jusqu’à traverser Châtellerault. Ca simplifie l’orientation de rouler avec des gens qui connaissent le coin. Ainsi une déviation à cause d’une course cycliste ne nous fait quasiment pas perdre de temps.

Environ 5-6 km avant Châtellerault, une chape de fatigue me tombe sur les épaules… les yeux se ferment tout seuls et je m’accroche, les yeux fixés sur la roue de celui qui me précède… Je préviens que je ne vais pas bien du tout… je lutte. En arrivant dans la ville, je m’allonge directement par terre pendant la commande de bière en mettant mon portable à sonner 3 minutes plus tard. Je m’effondre et me réveille en sursaut à la sonnerie du téléphone beaucoup mieux. L’expérience de la montagne m’a appris à quel point ces micro siestes sont utiles pour permettre au cerveau d’éliminer de la fatigue mentale (en montagne dormir dehors se limite souvent à quelques minutes quand les conditions sont très engagées).

Les kilomètres défilent et les collines ont depuis plusieurs heures laissées la place aux forêts et aux immenses champs de blé. Les forêts, à l’abri du vent, nous permettent de reprendre un peu d’avance sur le planning. Bon an mal an, avec le postérieur qui commence à très sérieusement se mâcher pour ma part, nous arrivons pour pointer à 18h25 à Saint Maure de Touraine avec une douce bière fraîche qui fait du bien. La chaleur a monté sensiblement (autour de 27° à l’ombre… et on y est rarement à l’ombre).

Une trentaine de km sur une route très passante, donc bien désagréable après cette longue journée, nous amène à rallier notre hôtel à Chambray les Tours au terme d’une journée encore bien consistante mesurée à la montre GPS 284km et 2430m de D+ comportant 16h06 de trajet et 14h02 à pédaler. Je me sens crasseux, j’ai beaucoup transpiré et j’ai vraiment mal au cul… Les quadris tirent aussi un peu mais rien de méchant de ce côté-là.

On se douche, se change. Je passe un coup de savon dans le cuissard et remplace la crème anti frottement hydratante du fondement par la fucidine en pommade à la vaseline… aux grands maux, les grands remèdes. Nous avons très peu parlé aujourd’hui et beaucoup pensé à Brigitte que Jacky appelle à ce moment-là. Les nouvelles sont bonnes. Elle a été opérée et ne souffre pas trop.

Un repas qui traîne un peu mais vers 22h30, on est de retour à la chambre.

Mardi 26 mai… le jour le plus long

Le réveil sonne à 3h, j’ai dû dormir 4h… comme une masse. Mes quadris me tirent. Je traîne en comatant dans le lit comme d’hab mais Jacky, au lieu de se lever et de se préparer, se rendort. Il ne se réveille qu’avec ma sonnerie à 3h20. On essaye de s’activer mais le réveil est vraiment difficile. On se sent vidés. Le petit dej dans la chambre est vite envoyé (un café à la bouilloire et des tartines et fruits qu’on avait piqués au buffet la veille). On décolle avec un gros quart d’heure de retard de la chambre. Mon postérieur rebeurré me fait moins souffrir qu’hier, j’espère que ça durera. On traverse Tours et la Loire dans la nuit et les réverbères. Dans les prémisses de l’aube, ma lampe me lâche. Moi qui avait hésité à la recharger hier soir… Bon, ça tient en mode économie jusqu’au lever du jour. Les paysages sont moins découpés que la veille mais les lumières de l’aube toujours aussi belles. La campagne et les petits villages de France ont souvent du charme. Je me dis qu’on a quand même beaucoup de chance de vivre ces moments-là.

Dès le lever du jour, le vent se lève fort (environ 30km/h avec quelques rafales annoncées à 50km/h), alternant entre face et ¾ face. Il nous use et nous freine considérablement bien que nous essayons de nous relayer aujourd’hui alors que nous roulions chacun à notre rythme en nous attendant les 2 premiers jours. Le premier pointage à Bessé sur Braye au km 66 à 7h41 nous permet de nous enfiler 2 cafés qui réchauffent. Il fait moins de 10 degrés dehors ce matin. Je n’ai qu’un tee-shirt et pas de gants. Jacky a une veste longue et des mi-gants.

Les villages défilent et le Perche est une région bien accidentée également. Avec le vent et les côtes, on y laisse beaucoup d’énergie. Malgré des pauses plus courtes que ce qui est prévu, nous perdons continuellement du temps sur le planning. On arrive au pointage de La loupe km 151 à 12h31. Nous sommes rincés et Jacky me demande que l’on fasse une vraie pause restau quitte à rouler de nuit ce soir. Je suis fatigué et j’acquiesce. On verra bien la suite. La bière et la carafe de vin rouge qui accompagne un délicieux repas en terrasse au soleil nous regonflent d’énergie. La pause a duré une bonne heure, ce qui était prévu sur le plan de route. Nous repartons avec 30min de retard sur le planning en espérant pouvoir faire peu de pauses dans l’aprem car nous savons que nous ne tiendrons pas la vitesse de roulage prévue avec ce vent. Nous réduisons autant que possible les pauses, nous ne parlons quasiment plus et chaque heure qui passe est un long combat contre nous même. Une pause grosse commission directe dans un fossé au bord de la route avec des champs de blé à perte de vue est un grand moment…. Le vent nous abrutit et nous assomme. Pointage et rapide pause bière à Etrepagny km 268 à 20h10 (avec un bon double sandwich). L’état de mon postérieur est resté stable, mais les quadris sont durs et la fatigue alliée à ce long effort contre le vent me donne des sensations proches de l’ivresse. Pour ne rien arranger, la navigation se complique avec quelques endroits franchement mal indiqués et piégeux où il faut utiliser la carte GPS du téléphone pour arriver à s’en sortir en se localisant.

Pour finir, en plus à Gournay en Braye, on tricote pour trouver la chambre d’hôtes pas facilement repérable. On finit notre journée marathon avec une mesure à la montre GPS de 298km et 2261m de D+ pour 17h45 de trajet et 15h35 à pédaler. Je suis cuit. Après la rapide douche et le nettoyage du cuissard, notre hôte nous sert un délicieux repas de produits locaux. Brigitte appelle pendant qu’on mange, elle s’inquiète un peu qu’on ne l’ait pas encore appelée aujourd’hui. Jacky lui précise qu’on en a chié et qu’on a eu du vent comme il en a rarement eu sur ses diagonales précédentes…

J’ai un peu honte, mais j’ai coupé court à la conversation avec notre gentille hôtesse en disant que j’allais préparer mes affaires. Je laisse donc Jacky continuer de discuter. Les prévisions météo sont plus optimistes sur le vent le lendemain qui devrait être modéré (environ 20km/h) et de côté sur notre gauche. Je me trompe de road map en lisant celle faite par Brigitte il y a 5 ans et non celle qu’on avait prévue. Du coup j’annonce (comme avait fait Brigitte) que le départ est à 5h au lieu des 4h que nous avions prévus. Cela nous laisse pourtant seulement 4h de sommeil. Je sombre après m’être retartiné les fessiers…

Mercredi 27 mai … Fin de l’aventure

Le réveil sonne à 4h pour jacky… je sens mon corps douloureux mais la fatigue bien qu’importante est moindre qu’hier… mon réveil sonne à 4h30. Le petit déjeuner est copieux et on emballe avec du papier alimentaire toute une tarte à la rhubarbe maison qu’on mangera la journée. On se traîne, j’étudie les cartes, il y a de l’orientation à prévoir. Départ avec bien 20min de retard sur l’horaire prévu de 5h soit 1h20 sur l’horaire prévu… on doit arriver avant 20h05 le soir et le plan avec départ à 4h prévoyait 2h30 de marge.

Il fait vraiment froid ce matin. A la sortie de Gournay, un panneau nous annonce 6° C, mais en plus nous sommes dans un brouillard et une très forte humidité dans l’air… Avec le vent relatif du vélo, le ressenti en tee-shirt et sans gant est autour de zéro… Dans les descentes, mes doigts rougissent de froid et se crispent… ça brûle ! Le jour se lève rapidement et j’attends impatiemment que le brouillard se dissipe pour arrêter de trembler sur le vélo. Jacky avec sa veste et ses semi-gants me confirme qu’il se pèle méchamment aussi. Quand le vent se lève vers 8-9h, il est effectivement de côté cette fois-ci et alterne donc parfois entre ¾ face et ¾ arrière… la sensation des moments où le vent est derrière est un pur moment de bonheur par rapport à hier, à peine besoin de pédaler ! Ça avance tout seul. Km54 et premier pointage à Senarpont avec 2 bons cafés chauds à 8h15.

Les kilomètres défilent tranquillement. J’ai toujours les quadris un peu faibles mais c’est pas si pire. Il y a pas mal de bosses ce matin, certaines bien raides. Dans mon idée, la Picardie, c’est plat… ben en fait, vraiment pas ! J’ai le tendon d’Achille droit qui me tire… et puis, au fil des kilomètres, ça devient douloureux, je teste plusieurs positions du pied dans la chaussure pour réduire la sensation, c’est vraiment douloureux en danseuse et je trouve un position qui ne tire pas en restant assis…

On traverse la forêt de Crécy et on attrape nos seules averses de la traversée, rien de méchant. On ne passe même pas la veste de pluie et ça fait plutôt du bien avec les 25-27 degrés, qui tranchent avec le froid du matin…

Une petite pause bière – toilettes à Mouriez nous fait du bien, mais on est en retard. A la sortie du patelin, Jacky est 20m devant moi et je l’entends crier à l’entrée du virage à gauche en direction d’Aubin St Vaast  « Oh putain ! »… Aïe, en effet,  en arrivant ça monte très raide, environ 15% de moyenne sur 400 à 500m… pfff, c’est très dur en restant assis même sur le 34*28 avec la fatigue et le poids du sac. Enfin on passe et on continue notre chemin avec de nombreuses montées-descentes bien raides… bordel, qu’est-ce que ça monte cette Picardie… Je commence à avoir bien faim en arrivant au village et nous ne trouvons rien d’autre qu’une boulangerie qui accepte de nous faire un sandwich qu’on engloutit. Puis en poursuivant jusqu’à Fruges km 146, nous nous arrêtons pointer avec la petite bière de réconfort à 14h22. Je suis surpris par le caractère bucolique et accidenté de la Picardie que je ne connaissais pas. La route est ensuite un peu moins agréable avec quelques portions entièrement recouvertes de gravier… digne d’un pays du tiers monde, je râle !… On approche de Saint Omer, Brigitte nous a indiqué un léger écart à droite pour éviter de tomber sur une 4 voies toute pourrie, on oblique donc sur une route en descente. En bas, la route est à nouveau recouverte de gravier, je freine fort avant cette section, mais sur les 2 premiers mètres, ma roue arrière chasse et je pars vers le fossé… arrêt acrobatique dans le fossé en décalant. Je me suis fait bien bien peur et ne suis pas passé loin de la grosse gamelle… pfff, c’est pas le moment de se faire mal si près du but. Je rejoins Jacky pour une dernière grosse montée avant de basculer sur l’agglomération de Saint Omer. On traverse la ville et à proximité de la cathédrale au km 181, on trouve une boîte aux lettres et on poste donc notre dernier pointage. Il ne nous reste plus qu’une grosse quarantaine de kilomètres pour l’arrivée. On repart remontés à bloc, et toujours en retard. Surpris en essayant de me remettre en danseuse, la douleur du tendon d’Achille a purement et simplement disparue… étrange, mais ça m’arrange bien J

Le relief est plat désormais, le vent assez faible. Malgré la fatigue et quelques coups de moins bien, on appuie sur les pédales… petit à petit, on reprend du temps sur le planning. Un panneau Dunkerque apparait annonçant l’arrivée à 30km en longeant un canal. On se retrouve une énergie insoupçonnée, on remonte à 27-28 km/h, vitesse que nous n’avions plus atteint depuis les premiers kilomètres sur le plat. Il semble que c’était il y a une éternité à ce moment-là.

Nous voici dans l’agglomération de Dunkerque, nous atteignons rapidement le panneau d’entrée de la ville, où nous posons pour quelques photos. On se renseigne auprès des autochtones pour trouver le commissariat. Leur accent m’éclate toujours autant. Moi qui ai fait mes études à Lille en étant originaire de Bordeaux, voilà bien plus de 10 ans que je n’avais pas remis les pieds dans cette sympathique région du Nord Pas de Calais. Nous voici traversant le centre à vive allure et atteignons le graal pour un pointage à 18h37, soit seulement 15m de retard sur l’horaire avec départ à 5h… et 1h30 d’avance sur la barrière. Ca y est, on a réussi ! Je repense à Brigitte, à tout le chemin parcouru, à tous ces paysages superbes traversés, à ces levers du jour, à ces moments difficiles, à ces luminosités magnifiques… c’est un condensé d’émotion… Mais il nous faut nous presser car le train part de Dunkerque pour Lille à 19h08. On se dépêche et on l’attrape avec moins de 10 min de marge… Nous comatons après une 4° journée mesurée à la montre GPS à 227km avec 1920m de D+ pour 13h56 de trajet et 12h11 à pédaler. Nouvel objectif, puisque nous n’avons pas les clés de l’appart de la fille de Brigitte à Lille comme prévu, il va falloir maintenant qu’on se cherche un hôtel et là, c’est la loose… On essuie refus sur refus et on n’est pas loin de se dire qu’on va dormir dehors lorsque l’on arrive finalement à trouver une place dans un 4 étoiles à côté de la Gare… bon ben les clochards à vélo qui puent vont péter dans la soie ce soir. Un petit restau où on arrose dignement notre périple et au lit pas trop tard avec notre train de retour à 7h le lendemain…

Epilogue :

1108km et 8300m de D+ en 86h32…. Environ 11h de sommeil et 56h de pédalage, seulement 1h30 d’avance sur le temps limite, de la douleur, du froid, du chaud, une myriade de paysages bucoliques, des levers de soleil grandioses, des heures de pédalage dans la nuit noire avec les étoiles en toile de fond, des heures et des heures de rêverie….Quelle aventure, que de souvenirs !

Un immense merci à Jacky pour ce partage, te voici donc rendu dans le « super palmarès » (ceux qui ont fini leurs 18 diagonales). Merci aussi Brigitte, sans nul doute tu repartiras bientôt pour de nouvelles aventures.

Je voulais voir ce qu’était l’ultra en vélo, j’ai vu. C’est dur et je suis content de l’avoir fait.

Avec le recul, je préfère le voyage itinérant, plus roots encore mais en prenant plus le temps. Quoi qu’il en soit, je reviens fatigué et heureux (et un peu avec mal au cul aussi ;-) ). En avant pour les prochaines aventures qui approchent à grand pas :-)

 

Bonus album photos : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10205999291594058.1073741901.1013736783&type=1&l=e6750b08de